Histoire des cloches de Saint Gildas : cloches carillonnez !

Extraits d’un article de Louis Massé, paru en 1999 dans le bulletin paroissial L’ECHO DU GRAND AURAY

A la demande des Ducs de Bretagne, les moines de l’Abbaye de Rhuys avaient édifié à Auray un prieuré qu’ils avaient placé sous la protection de Saint Gildas leur père. Ce prieuré comportait, nous dit­on, église, cloitre et demeure.
Les archives paroissiales, qui ne remontent guère au-delà, nous apprennent, qu’en l’an 1613, on se vit contraint de remplacer, dans la tour de la chapelle prieurale, « une grande cloche qu’on disait alors fort usée et l’une des plus belles et des meilleures de la province ». Cette cloche fut placée, en 1617, dans la tour de la chapelle Notre Dame de Bethleem, située tout à côté, sur la plaine, « sous la condition que le profit des sons soit partagé, de moitié entre Notre Dame et Saint Gildas ».

En 1620, l’église prieurale menaçant ruine, on décide de la détruire et de construire a la même place, une grande église neuve, celle que nous voyons encore aujourd’hui, et qui, non encore achevée, sera consacrée le 22 septembre 1641.
En 1663, la tour de cette nouvelle église Saint Gildas étant enfin terminée, on y monte « deux cloches, dont l’une, la plus grosse, fut refondue en 1706… c’était celle placée en 1613 en remplacement de la grande cloche fort usée. »

Révolution
Ayant à faire face à des difficultés de trésorerie, l’Assemblée Législative avait décidé, le 22 avril 1792, de réquisitionner toutes les cloches des églises et chapelles du royaume. On avait en effet un très grand besoin de bronze tant pour les canons de l’armée que pour la frappe des menues monnaies. II fallait, en principe, l’avis des conseils des communes et des départements, En principe aussi, la collectivité devait récupérer les 2/3 de la valeur du poids des cloches pour ses œuvres sociales. L’historien Corbin ­ nous dit Lemarie ­ avance que plus de 100 000 cloches furent ainsi fondues durant la Révolution.
A Auray, et dans tout le district, les cloches furent ainsi descendues des beffrois. On les entreposa dans la cour donnant accès à la « ci devant chapelle de la congrégation des hommes » de la rue du Lait.
Un certain nombre de ces cloches échappèrent à la fonderie et, le 2 Germinal An IX, elles furent mises en adjudication au profit de la Nation. L’une d’elles fut achetée par un Alréen qui, au lendemain du Concordat, l’offrit à la fabrique de Saint Gildas. Or, cette petite cloche provenait de l’église du Palais à Belle ­Ile ­en ­Mer… Le 12 mai 1811, le marguillier et le maire du Palais réclamèrent leur bien, d’abord par l’intermédiaire de l’évêque puis par celui du sous-préfet. L’affaire traina de mois en années sans jamais aboutir… la cloche continuait de sonner au clocher de Saint Gildas, jusqu’à ce jour du 1er novembre 1819 ou elle se fêla.
Toussaint 1819
II faut se rendre à l’évidence, la petite cloche est cassée. On se propose de la faire refondre et d’en acheter une troisième, « pour embellir la sonnerie ». L’adjudication pour la fourniture des deux nouvelles cloches eut lieu le 7 novembre en faveur de Monsieur Chatel de Vannes : il fournirait ces cloches a raison de 1 F85 la livre, il paierait la cloche cassée à raison de 1 F 50 ; de plus, Monsieur le Curé (G. Dehayes) ayant demandé a ses paroissiens de remettre à la sacristie les vieux cuivres qu’ils possédaient, l’adjudicataire achèterait « cette vieille matière de cuivre au prix de 1 F la livre ».
Le beffroi de Saint Gildas se voyait ainsi garni d’un beau carillon de trois cloches : la plus grosse de 2200 livres, la moyenne de 1400 livres, la plus petite de 800 livres.
On n’a aucune trace du jour de la livraison et de la bénédiction des cloches. On sait seulement que « les propositions de parrainage furent très nombreuses et qu’un généreux donateur offrit à la fabrique la somme de 800 F. On signale également à la date du 1er mai 1821 que, lors de la dernière réunion du conseil de fabrique présidé par le Père Deshayes, il fut annoncé que les parrains et marraines des cloches avaient fait une offrande de 1 200 F, et que le produit de la cloche cassée et « des vieilles matières de cuivre » remis au fondeur avait rapporté 952 F. Quant au prix déboursé pour l’achat des cloches, de la charpente neuve et de l’installation du carillon dans la tour, il s’élevait à la somme de 4 792,15 F.
1827-1833
Pour répondre à la demande des marins qui se plaignent de n’avoir plus d’amer pour naviguer dans le golfe du Morbihan (suite à la démolition de la tour de Notre Dame), Monsieur Martin, Maire d’Auray « annonce son projet d’exhausser la Tour de Saint Gildas de 25 à 30 pieds ». Il avait prévu une participation financière de la fabrique, une subvention du Ministère des Cultes, et les secours des Ponts et Chaussées. Le Conseil Municipal avait aussi désigné un architecte, Monsieur Lusseau de Lorient, et les travaux avaient été adjugés à Messieurs Kergoustin et Echebard. Le 30 mai 1831 on réceptionnait les travaux.
On s’aperçut rapidement que la surcharge était trop forte : la base du clocher se lézardait. On dut démolir une partie de la tour et reprendre la reconstruction le 5 décembre de la même année.
Durant tous ces travaux, les cloches avaient évidemment été descendues. Bientôt les paroissiens s’impatientèrent ce qui conduisit le Curé, Monsieur Caudahl à intervenir auprès de la Mairie « pour demander que l’on remette à la fabrique les matériaux provenant de la démolition de la tour, ce qui fut accepté, et permit de rétablir une sonnerie provisoire ».
1869
Sous le rectorat de Monsieur l’Abbé Le Goueff, le 13 février 1869, deux nouvelles cloches sont bénies par Monseigneur l’Evêque de Vannes, (il faut croire que les bronzes de 1819 étaient de bien piètre qualité !!). Elles proviennent de la fonderie de Monsieur Viel à Villedieu-les-Poêles, et elles portent, marquées dans l’airain, les noms de leurs parrains et marraines : Monsieur Le Boulaire et Madame Joseph Martin.
Monsieur Ch. Guyot de Salins et Madame Blayet de Kerouart, des parrains et marraines qui se sont montrés fort généreux, offrant à la paroisse « des ornements en drap d’or qui serviront aux grandes fêtes ».
Le cérémonial de la bénédiction des cloches a été suivi par une foule imposante de fidèles. Ils ont ainsi prié avec l’évêque tandis qu’il procédait au lavage des cloches, en dedans et au dehors avec de l’eau bénite, pendant les onctions qu’il y dessinait : 7 croix dessus avec l’huile des malades, 4 croix à l’intérieur avec le saint chrême, pendant qu’il les encensait longuement toujours dessus et dedans, les sanctifiant et les consacrant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, terminant la cérémonie en les « faisant parler » par trois fois, suivi en cela par les parrains et marraines. Rien de surprenant qu’on ait donné à ce mémorial par analogie le nom de « baptême des cloches ».
A la fin de la cérémonie, Monseigneur, pour témoigner de son assistance à la paroisse, a tenu à faire lui-même la quête ; une quête qui a rapporté la somme conséquente de 600 F, soit près de la moitié de la dépense.
1894
Le beffroi menace ruine (le beffroi n’est pas seulement une tour, c’est aussi un terme de charpenterie qui désigne l’assemblage des énormes poutres de bois auquel les cloches sont suspendues). Monsieur le Curé Le Bail interdit de donner la grande cloche. La ville envoie deux ouvriers, Messieurs Coppens et Cadudal qui changent les pièces défectueuses. Un « travail qui dure deux mois durant lesquels nous n’avons qu’une cloche ».
1998
Et la vie continue… Les années ont passé. Près de cent ans après ce dernier avatar, en février 1998, l’histoire recommence. Une nouvelle fois il faut revoir la charpenterie du beffroi de Saint Gildas : une poutrelle métallique menace de se rompre. Une nouvelle fois il faut interrompre les carillons !
Avant d’entreprendre toute réparation, la Mairie doit attendre l’avis des monuments historiques car l’église est maintenant classée dans sa totalité. Dès l’accord des architectes et sitôt obtenu l’arrêté attributif des subventions, la municipalité diligente la maison Massé des Côtes d’Armor, qui mène à bien la réparation sous la direction de Monsieur Le Roux, Ingénieur, directeur des Services Techniques de la ville.
Que tous soient chaleureusement remerciés. Et que les Alréens chantent en ces jours de fêtes de Noël et du jour de l’an, avec la voix des cloches de notre carillon retrouvée, en leurs trois tonalités du La – Do – Fa : « Gloire à notre Dieu dans les cieux, et paix sur la terre, aux hommes, à tous les hommes qu’il aime avec une infinie tendresse ! «